Samedi 3 février, le PS Conflans a eu le plaisir d’accueillir Julien Dray à la Maison Citoyenne Michel Rocard. Il s’agissait de la première réunion politique à Conflans pour notre invité, dont les trajectoires politiques se sont parfois croisées avec l’ancien Premier ministre et maire de notre ville.
Le conseiller régional d’Île-de-France a d’abord fait le point sur l’actualité politique en France, bien sûr difficile pour les socialistes. Néanmoins, il a rappelé le précédent de 1993, lorsque le PS avait été balayé aux législatives face à une majorité écrasante de presque cinq-cents députés de droite. En interne, le parti était menacé de scission ; les journaux titraient « le PS est mort ». Pourtant contre toute attente, quatre ans plus tard, la gauche reprenait le pouvoir. Julien Dray voit deux explications à cette résurrection. D’une part, le parti avait entamé sans tarder une démarche de remise en question profonde par le dialogue dans le cadre des Etats généraux de Lyon. D’autre part, les socialistes avaient retrouvé l’écoute de la population par leur rôle moteur dans les mouvements sociaux. M. Dray a ensuite souligné le besoin de défendre le bilan historique du gouvernement Jospin de 1997 à 2002 – le « plus à gauche du monde », disait Jean-Luc Mélenchon. Les grandes réformes de cette période demeurent autant d’acquis sociaux précieux aujourd’hui : les 35 heures, la Couverture maladie universelle, les emplois-jeunes. En substance, une gauche qui tournerait le dos à son passé ne pourrait se reconstruire.
On ne niera pas que la situation actuelle est particulièrement critique, même plus qu’en 93 : au début du quinquennat de François Hollande, la gauche avait l’essentiel des leviers de pouvoir ; aujourd’hui, elle n’a plus rien, ou si peu. Mais dans les villes qui ont pu être conservées, les maires socialistes continuent aujourd’hui à se battre pour améliorer concrètement la vie de leurs concitoyens. Selon Julien Dray, c’est plutôt avec l’expérience du pouvoir central que la « gauche de gouvernement » n’a pas encore trouvé le bon équilibre. Pour lui, il n’est pas question de faire des procès mortifères, mais un jugement critique sur les aspects positifs et négatifs du dernier quinquennat devra avoir lieu. Nous devons prouver que nous avons compris le message qui a été envoyé par les Français.
La gestion du projet relatif à la déchéance de nationalité illustre les dommages qu’entraîne la rupture du dialogue avec la base des militants. Notre invité considère que le PS devrait tenir un congrès annuel, à l’instar du parti travailliste britannique, avec un vote des militants sur le bilan et les perspectives de l’année et un droit de censure sur la direction du parti. Nous sommes riches de nos tendances quand nous les intégrons à nos décisions, c’est aussi une leçon qui peut être tirée de la dernière campagne présidentielle. Mais pluralisme ne doit pas signifier confusion : Julien Dray insiste sur la nécessaire étanchéité envers le parti d’Emmanuel Macron, qui a montré par sa politique fiscale et sociale qu’il n’est pas de gauche – la circulaire sur le contrôle des migrants dans les centres d’hébergement en est un exemple criant. Au-delà, entre solidarités gouvernementales à l’ancienne et admiration pour les forces du marché, on voit bien que sous le masque du renouvellement générationnel, il n’y a rien de neuf.
Alors le socialisme garde toute sa pertinence, car il est adossé à l’idée de progrès social, au combat essentiel qu’est la juste répartition de la richesse produite. Même au plus bas, la gauche a rassemblé sur ses idées 1,5 million de Français à la primaire citoyenne de janvier 2017. Le devoir des socialistes, c’est de comprendre le monde nouveau, qui n’a jamais été aussi inégalitaire : 1% de la population détient 50% des richesses mondiales. Les GAFA, multinationales immensément puissantes, imposent déjà leurs lois aux Etats. Tandis que la disparition de certains emplois est inévitable, l’ubérisation, sous couvert de « liberté », ne vend en réalité à chacun que le fait de « devenir son propre exploiteur ». Face à ces nouvelles précarités, il faut de nouvelles réponses : Julien Dray salue la démarche de transformation de la protection sociale qui avait été entamée sous François Hollande via le Compte personnel de formation. Parce qu’il faut aller plus loin, il propose une dotation universelle qui serait versée à chaque jeune de 18 ans et serait financée par un prélèvement sur les profits des géants du numérique. Economiquement, cette prestation constituerait une juste rémunération des données personnelles captées par ces entreprises.
En outre, le numérique n’étant qu’un instrument, il peut aussi être un formidable vecteur de mobilisation : des salariés en télétravail ont toujours les moyens de cesser la production en cas de conflit. Notre militantisme doit épouser les nouvelles formes de communication (réunions diffusées en direct sur les réseaux sociaux), tout en gardant à l’esprit le pouvoir des plus anciennes (tracts et publications comme l’Hebdo des socialistes).
Si le congrès d’Aubervilliers ne résoudra pas tous les problèmes, nous avons le devoir de le réussir. Julien Dray appelle à ne pas avoir peur de la discussion, voire du « chahut » et ne pas se limiter à un changement de visages. C’est peut-être du côté du régime kurde, laïque, fondé sur le partage des richesses, qu’on trouvera des idées intéressantes comme la coprésidence paritaire (une femme, un homme). L’occasion pour notre invité de renouveler son appel à protéger sa population des agressions de la Turquie d’Erdogan.
Une réunion dense et des échanges très riches qui ont donné beaucoup d’énergie aux socialistes de Conflans.
Alexandre Garcia